Les relations entre la Savoie et l'Angleterre_2


Les rapprochements architecturaux ayant été soulignés, voyons comment les hommes ont communiqué du Pays de Savoie à l'Angleterre et vice-versa au XIII° siècle.
Dans la construction, un grand maître d'œuvre a travaillé dans les deux pays : Maître Jacques de Saint-Georges. Certains de ses collaborateurs ont dû l'accompagner de part et d'autre de la Manche. Dès 1937, Arnold-J. Taylor a apporté, au cours d'une longue et fructueuse carrière de chercheur, un bon nombre de démonstrations déterminantes.
Les seigneurs – patrons du moment ou futurs patrons desdits artisans – ont aussi visité les lieux, participé à des opérations militaires ou accompli des missions très diverses ; ils ont pu s'inspirer soit des visions de leurs voyages, soit des conseils des hommes de l'art, ou commander eux-mêmes tel ou tel travail.
Le contexte des relations multiples entre la Savoie et l'Angleterre, avec des échanges variés de la diplomatie, de la guerre, de la vie ecclésiastique ou de la finance, éclaire l'atmosphère d'ensemble, même si la documentation n'est pas suffisante pour expliquer le détail précis et pratique.
Si on connaît assez bien les allées et venues du grand chef infatigable que fut Pierre de Savoie, on sait moins que son frère Thomas II, comte de Flandre, que son neveu Amédée, c'est-à-dire l'un de ses successeurs au Comté de Savoie, ont aussi vécu à plusieurs reprises, des mois en Angleterre.
Boniface, l'un des frères de Pierre II fut vraiment un familier des affaires anglaises puisqu'il occupa le siège primatial de Canterbury de 1241 à sa mort en juillet 1270.
Amédée de Savoie a participé aux campagnes menées contre le Pays de Galles par son cousin le roi Edouard 1er, en 1277 et 1278, puis en 1282 et 1283. Le futur comte de Savoie dirige des troupes, commande un certain temps la base d'opérations de Chester, assiste à l'investissement d'un château gallois, Dolforwyn, et l'occasion lui est donnée de voir de ses yeux des forteresses aussi importantes que Montgomery ou Rhuddlan.
Plusieurs seigneurs du Pays de Vaud ont suivi les mêmes traces, certains finissant leur vie outre-manche.
Dans le sillage de la Maison de Savoie et de ses alliances, la grande famille des Grandson, avec des branches cousines des Champvent, des Estavayer et des Vuippens, a aussi envoyé ses représentants en Angleterre.
Ces seigneurs ont occupé des rôles en vue, mais surtout ils ont participé à la vie des châteaux, et rempli même ici ou là les fonctions pleines de responsabilités de châtelain du roi d'Angleterre. C'est le cas par exemple d'Ebal II de Mont (Mont sur Rolle) qui est, en 1254 châtelain de Benanges, vaste forteresse de Gascogne, au sud-est de Bordeaux, et qui finira sa vie comme châtelain de Windsor, une des résidences principales de la Maison Royale. Le châtelain de Windsor est directement chargé de la garde et de l'éducation des enfants du couple royal, auquel on évite sagement les nombreux déplacements de la cour. On saisit mieux l'importance capitale de cette fonction. Finalement Ebal II aura la reine d'Angleterre elle-même, Aliénor de Provence comme exécutrice testamentaire.
Pierre de Champvent, cousin de Othon de Grandson s'élève très haut dans l'estime d'Edouard 1er, puisqu'il sera Sénéchal de la Maison Royale et Chambellan.
Le clan des Bonvillars est certainement apparenté aux Grandson par la similitude des prénoms qui reviennent dans la généalogie comme ceux d'Aymon, Henri, Guillaume, Othon et Jean.
Après avoir été Doyen du couvent de Payerne, Henri de Bonvillars devient successivement Prieur de deux importants prieurés clunisiens anglais : Bermondsey en Surrey (banlieue de Londres), puis de Wenlock en Shropshire. Il accomplit de délicates missions diplomatiques pour le roi d'Angleterre.
Othon de Bonvillars est juge dans les îles Anglo-Normandes et Guillaume de Bonvillars est Prébendé au diocèse de Lincoln.
Un frère d'Henri, Jean de Bonvillars, participe aux opérations contre le Pays de Galles. Le roi en fait sa liaison avec les chefs de l'expédition de 1277, le comte de Lincoln Henri de Lacy et Othon de Grandson. Peu après, Edouard 1er détache le chevalier Jean de Bonvillars dans ses terres de Gascogne. Il est bientôt désigné comme châtelain de l'importante forteresse de Harlech ; dans cette activité, il vérifie la progression des travaux qui se poursuivent pour édifier les autres châteaux du Pays de Galles, Caernarvon et Conway. Il mène la troupe du vaste territoire de Gwynedd contre un soulèvement des Gallois. Au siège de la place de Dryslwyn. Au siège de la place de Dryslwyn, Jean de Bonvillard et quelques autres vont examiner l'avancement d'une mine qui devait permettre de forcer une muraille, quand celle-ci s'écroule sur eux et les ensevelit, en août 1287.
Nous devons constater que, avec pour seuls moyens de transport le cheval et le bateau, combien inconfortables mais inévitables, les gens du XIII° siècle sont beaucoup plus mobiles qu'on pourrait le penser et que leurs déplacements relativement nombreux permettent aussi bien des échanges de vues au sujet de l'architecture militaire ou religieuse que des comparaisons dans les notions commerciales ou administratives.

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