Un contaminois
malchanceux




Jean-François TISSOT dit VIAL septième d'une famille de douze enfants, naît le 4 décembre 1737, au hameau de Trolaz, à Contamine-sur-Arve. Son père Laurent dit Jacquet est laboureur, Marie Dufresne, sa mère originaire de La Tour.
C'est la misère. Son frère aîné, né en 1724 restera à la maison. Jean-François apprendra le métier de "faiseur de peignes". Ces objets, il ira les vendre à Genève, mais aussi de ville en ville, coltinant sa "petite basle garnie de marchandises".
A Annecy, il rencontre une jeune veuve, Claudine ISAAC native de Fleuret en Franche-Comté. Le contrat dotal rédigé par Maître Tessier, notaire, le 18 novembre 1761, précise que Joseph, fils issu d'un précédent mariage de Claudine, étant décédé à l'âge de un mois, sa mère hérite, par ricochet de son premier mari des biens meubles, immeubles "y compris le fonds de marchandises, tant en bijouterie qu'autres, dépendant du négoce…".
Le patrimoine de Claudine, comprenant outre les biens cités ci-dessus ses "habits portatifs et linges…".estimé à 2400 livres "de Savoye" par Jacques Taberlet originaire de Morzine, est mis dans la corbeille de son mariage avec Jean-François.
En cas de dissolution du mariage, l'époux promet de restituer à sa femme ou à ses ayants droit ladite somme. Il hypothèque tous ses biens présents et futurs.
Quelques jours plus tard, les jeunes mariés se font réciproquement une donation, Jean-François voulant faire un voyage en Allemagne, pour son commerce, ce qui devait représenter une longue aventure assez périlleuse en ce 18° siècle.
Mais en 1764, des créancier impayés intentent un recours auprès des tribunaux contre ce "faiseur de peignes".
En 1775, son bilan déposé au greffe affiche un résultat catastrophique et il confesse "en pleurant" devoir des "sommes considérables à son marchand".
Les affaires périclitent et, malgré la venue de cinq enfants, les époux se séparent. Claudine présente une requête auprès du Juge de Saint-Ismier (du Faucigny) qui assigne Jean-François à comparaître le 27 août 1779, dans sa maison de Trolaz, pour assister à l'adjudication de ses biens en faveur de sa femme qui voudrait récupérer le montant figurant dans le contrat de mariage.
A sept heures écoulés du matin, Tissot ne s'étant pas présenté, le notaire commence l'expertise de ses avoirs situés à Trolaz et à Mozet (la Grange Moget).
Pierre Lambert-Burnier conseiller requis, Jaques Dunant et Philippe Dunoyer, habitant tous dans la paroisse de Contamine, procèdent à l'estimation du patrimoine de Jean François, consistant outre de nombreuses pièces de terre, en "une maison, la moitié d'une grange, un cheval poil noir, deux vaches, deux cochons, un chariot ferré, un harnais de cheval, trois lits garnis, seize draps, une garde-robe sapin, un coffre de noyer, trois pots à feu de gueuse, une coquelle avec son couvert, un buffet de sapin à deux tiroirs, deux rateliers de sapin, trois haches à fendre le bois, une serpe, deux fossouz, un bechard, quatre tables, deux poëlons, un bassin à eau, une paile pour le jardin et une autre, deux toureaux, un grenier couvert de thuiles à moitié usé", le mobilier et le bétail sont estimés à 278 livres 6 sols.".
Les marchandises sont restées entre les mains du mari.
Déduction faite de la taille impayée, des frais de Maître Chatrier, notaire au chef-lieu, le capital net de Jean-François s'élève 1 137 livres 7 deniers.
Comparaissant comme témoins devant le Juge Depassier à Bonneville le 19 juin 1779, Joseph Périllat et Gaspard Blanc sont unanimes à admettre que Jean-François Tissot n'a pas eu de chance : en avril 1770, il est "presque assassiné" vers Moellesullaz, les assassins lui volent les cinq mille francs qu'il porte sur lui. Il est alité et malade pendant trois mois et manque de perdre la vue.
Ils reconnaissent que "ledit Tissot étant illitéré, le négoce qu'il faisait ne convenait qu'à des gens qui scavent lire, écrire et chifrer ce qui peut, outre la perte du bétail qu'il a fait plusieurs fois avoir contribué à l'état de déchéance où il se trouve… il y a trois ans on l'arrêta à la Capite de Chesne où il perdit sa marchandise, 700 livres et son temps…"
Quant à Claudine, elle accuse son mari de dissipation, prodigalité et de faire de mauvaises négociations.
Apparemment Jean François réapparaît puisque leur sixième enfant Joseph Marie naît le 10 juillet 1780.
Le 16 décembre 1780, un acte notarié nous apprend que Amé Gantin, originaire de Bellevaux, maréchal-ferrant à Contamine, propose à Jean-François Tissot de faire du commerce pour lui et sous son nom, et lui avance pour cet usage, une somme, un cheval et un chariot, et lui versera annuellement 150 livres pour son salaire. Ledit Tissot accepte et promet de rendre "bon et fidel compte de son négoce… il régira et gouvernera le cheval en bon père de famille…"
Le 12 février 1781, Claudine Isaac passe un acte notarié, par lequel elle s'engage à verser à Amé Gantin une rente annuelle de 14 livres "du Piedmont" jusqu'au règlement total du capital de 350 livres prêté par ce monsieur. Cette somme servira pour l'apprentissage du métier de "faiseur de peignes" à Jean-François Tissot, son fils, auprès du Sieur Alexandre Clément à Saint-Claude et aussi pour lui permettre d'acheter les outils nécessaires à ce travail..
Le décès de Claudine survient à Trolaz le 14 novembre 1782,
En 1781, notre marchand faiseur de peignes est conseiller en la paroisse de Contamine, puis syndic l'année suivante. Il réside alors à Bonneville où il gère un commerce.
Malgré affiches et publications, personne ne s'étant présenté pour miser la collecte de la taille, le syndic est nommé d'office exacteur et recevra 3 livres 6 sols pour cent, pour son salaire. Jean-François fils de feu Joseph Decroux se porte caution. L'un et l'autre obligent solidairement tous leurs biens.
Le compte-rendu de son année d'exaction (perception des impôts) approuvé par le Conseil de la Communauté, le 25 juin 1784 fait apparaître un solde créditeur de 4334 livres 7 sols 11 deniers, qu'il remet sans contrainte.
Puis en 1785, notre exacteur décampe avec les 900 livres que contient la caisse !
Dans une lettre adressée à l'Intendant Général à Chambéry, le 14 avril 1785, le délégué de la Communauté de Contamine fournit les renseignements exigés.
Le Conseil allègue que Jean-François Tissot, syndic a été dans l'obligation d'accepter la charge de l'exaction, faute de postulant, sous la caution de Jean-François Decroux. "…sa fuite a été inattendue et surprenante d'autant que l'on ne s'est pas aperçu qu'il aye pris des précautions et fait des préparations pour son évasion qui lui a été d'autant plus facile et moins soupçonné que son habitation n'est éloigné que de trois heures de Genève et que, étant fabricant de peignes, il fréquentait d'ordinaire cette ville relativement à son métier et pour y vendre sa marchandise.
L'évasion de Tissot n'a pour cause que la misère, la pauvreté et il n'a trouvé, en emportant ladite somme qu'un moyen de se sustenter dans un pays étranger.
Vu qu'il était notoire qu'il était pauvre, ayant surtout été obligé de contracter beaucoup de dettes pour faire face à son commerce, et au vol qui lui a été fait d'une somme assez considérable qu'il portait à Genève. Ce vol a eu lieu aux environs de Chesne avec violences, au point qu'il reçut un coup de pistolet à la bouche, ce qui le mit dans la nécessité de donner son bilan… "
En conséquence, Jean-François Decroux, fidéjusseur, demande le reste de la cote non encore perçue par Tissot, afin de s'indemniser en partie. Subissant l'inflexibilité de l'Intendant Général, Jean-François devra régler le montant de la somme dérobée.
Quant à Jean-François Tissot, il continuera à exercer sa profession de "faiseur de peignes" en Suisse et s'éteindra à Carouge le 12 décembre 1806, étant alors "mari de Elizabeth Alvin".
Andrée Blanc
Sources : Registres paroissiaux de Contamine-sur-Arve, de Carouge (Archives Cantonales Genève).
Aux Archives Départementales de Haute-Savoie :
2 E 2762, Minutes de Maître Tessier.
Tabellions de Bonneville cotes VI C 1395, 1396, 1398, 1403, 1405.


Fabrication des peignes à Oyonnax
On fabriquait de grandes quantités de peignes dans le Jura, notamment à Oyonnax, à Saint-Claude.
Les premiers peignes furent taillés dans le buis abondant des forêts proches. Les produits étaient vendus, soit par des "porte-balles", soit par des maisons de Saint-Claude.
Le modèle était unique et n'évoluait pas. L'ouvrier empruntait à son père les gestes dont il avait lui-même hérité de ses aïeux.
Il fallait un long et rigoureux apprentissage pour que le "peigneux" puisse accomplir l'article de bout en bout.
Le matin, il dégauchissait le bois, s'aidant d'une "écouanette" préparant ainsi le labeur de l'après-midi.
Puis il enserrait les lames dans une mâchoire appelée "gland". Celui-ci s'appuyait sur "l'âne", sorte de banc sur lequel l'ouvrier s'asseyait à califourchon.
Ainsi installé, à l'aide d'une corde qu'il manoeuvrait habillement du pied, il jouait avec l'étau, mordant ou lâchant sa proie à volonté, de façon à faciliter la découpe.
Avec "l'estadou", scie à deux lames parallèles montées sur un fût de bois et écartées par des coins, il découpait les dents.
Se saisissant d'une "grêle", il en usait les angles vifs. Puis, grâce à un carrelet, il les appointait.
Le polissage s'opérait manuellement avec de la cendre.
La paume de la main, légèrement poudrée avec du Kieselgur, caressait le peigne pour un ultime lustrage.
L'ouvrier en fabriquait une douzaine par jour, parfois deux s'il était habile.
Déposées dans un récipient à claire-voie, les pièces étaient descendues dans une fosse préalablement remplie de fumier assidûment arrosé, jusqu'à ce que le buis se nuance.
Les peignes étaient séchées, puis plongées dans un bain chaud d'alunite et de campêche, afin de fixer la couleur rouge-brun.
Le buis, devenu rare, on l'a remplacé par de la charmille, voire du hêtre. Vers 1810, on utilisait de la corne.
A Jeurre (39), devant vous, un artisan travaille la corne comme autrefois.
Sources : renseignements recueillis par Andrée Blanc au "Musée du Peigne" à Oyonnax et dans un ouvrage de Franck Lacroix, Oyonnax au XIX et au XX°, Ed. Musnier-Gilbert.

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