Bulletin Nr 5
Janvier 1999

Mot du président :

Depuis que notre petit journal paraît, j’ai toujours eu à coeur d’apporter, avec le sens de l’histoire qui doit nous animer, celui de la réflexion en même temps que la tolérance et le sens critique de nos engagements.

Recherchons donc la vérité et la justice.

L’histoire, nous l’avons vécue à travers la belle exposition qu’Andrée nous a préparée par son travail de recherches : photos et textes auxquels tous les membres de la Grande Maison ont ajouté la touche finale.

Merci à tous.

Si l’exposition a semblé faire double emploi avec celle de l’automne 1997, en fait, il n’en était rien. Le thème en était nouveau et les photos exposées en grande majorité inédites.

Chaque famille a pu se regarder dans la figure du pépé de 1914 ou du papa de 1940.

Nos animations musicales n’ont pas eu le succès escompté mais en revanche les instruments attirèrent le regard curieux des visiteurs.

La visite de Turin, aux dernières vendanges fut une bonne occasion de jeter notre regard, non seulement sur la capitale de nos ancêtres, mais de découvrir une ville pleine de monuments : églises, châteaux, places qui démontrent la qualité de pensée et d’exécution de nos architectes du royaume de Savoie.

Je ne ferai pas de restriction mentale, aussi je dirai brièvement que le souci de préserver notre patrimoine est important et l’action menée par « les Amis de la Grande Maison » se veut constructive.

Recherchons le mieux vivre ensemble, cultivons ces mille petits privilèges que sont l’amitié, le sourire, la causette au sortir du magasin, etc. Ils ne doivent jamais être sacrifiés sur l’autel du modernisme et à l’économie outrancière, car on n’hérite pas cette terre des parents, on l’emprunte à nos enfants.

Michel Pessey-Magnifique

Visite culturelle d’automne :

En 1563, le duc de Savoie Emmanuel-Philibert transportait la capitale de ses Etats à Turin, au détriment de Chambéry.

Le 13 avril 1998, nous organisions la visite de notre première capitale, et le 30 août de Turin, où nous avons admiré le somptueux Palais Royal, puis la Basilique de Superga, dont la crypte abrite les tombeaux des souverains.

La 3ème rencontre généalogique eut lieu à la Chartreuse de Mélan, le 28 juin 1998.

Musiques et fêtes d’autrefois :

A l’inauguration de l’exposition, notamment  les trompes de chasse de Bonne donnaient le ton.

On pouvait admirer plus d’une centaine d’instruments anciens, tous remis en état et prêtés gracieusement par des collectionneurs passionnés.

Le thème de cette exposition étant la musique, les fêtes, les jeux, nous pouvions voir des photos des Contaminois dansant, chantant s’amusant.

Des animations musicales agrémentaient cette quinzaine : le phonographe, l’orgue de Barbarie, l’accordéon ou l’harmonica ont tour à tour  joué des airs populaires repris en chœur par l’assistance.

Merci à tous ceux qui ont œuvré pour la réussite de ces journées.

Famille Deluermoz :

La famille Déluermoz avait naturellement une place dans notre exposition.

Né à La Perrine en 1836, Jean-Marie Déluermoz « monte » à Paris où il s’engage comme postillon ; De son union avec Célina Thibault, il eut huit enfants.

Il veut mourir à contamine dans sa maison natale, et c’est là qu’il s’éteindra en 1902.

Denise Cassegrain, son arrière petite fille, membre de notre association vient chaque année en vacances dans notre région. Grâce à elle, nous pouvons suivre les voies des enfants Deluermoz : trois d’entre eux auront une vocation d’artistes : Jeanne ( Delvair, nom d’artiste) grande tragédienne, Germaine (Dermoz) comédienne et Henri, peintre de renom.

J’ai pu consulter son album de guerre où il relate l’ambiance à Contamine en 1914, son départ de la Grangeat… Il a peint des paysages de Contamine, ainsi que Saint Foy, patronne de la paroisse.

Germaine Dermoz a tourné dans de nombreux films.

Dans les années 40, Madame Gay, l’institutrice de Pouilly avait emmené les élèves à l’école de Contamine, voir « la Porteuse de pains », film dans lequel Germaine interprétait le rôle de Jeanne Fortier, la femme injustement accusée et condamnée aux travaux forcés.

Certains Contaminois se souviennent peut-être des pianistes Madeleine et Germaine Van Eyndhoven, descendantes aussi de Jean Marie Déluermoz.

Histoire d’une maison :

A la Perrine, au lieu-dit « Chez Brasier », sur la droite du nant « la Courbassière », une bâtisse appelée « Maisonnette » par les anciens propriétaires aurait été, selon la tradition orale, une chapelle. Ce qui paraît improbable.

Ayant fait fortune, en rétrocédant aux détaillants, les invendus des grands magasins parisiens, François Chaffard, fils d’Antoine, originaire de Saint Jean de Tholome, acquiert cette maison et le terrain l’entourant. Célibataire, décédé ab intestat avant 1886, sa propriété fut partagée entre ses cinq frères et sœurs, selon acte du 4 septembre établi par Maître Blanc, notaire à Bonneville.

M. et Mme Edouard Métral Bardollet, grands parents maternels de Mmes Fernande Briffod et Elisa Catel, en devenaient ainsi propriétaires.

Le 19 juillet 1974, elle fut le théâtre d’un drame commenté largement par les médias. Roger Nicoud, truand notoire, auteur de hold-up sanglants, recherché activement par toutes les polices, se cachant depuis plusieurs semaines à la Perrine, trouvait la mort dans la haie près de la maison en question.

Entourée de vignes jusqu’en 1985, la maisonnette a retrouvé une nouvelle jeunesse grâce aux propriétaires actuels.

L’isba :

Georges Gay, Contaminois « exilé » évoque ici des souvenirs de jeunesse :

C’était en juillet 1940.

Au moment de l’Armistice, les Allemands étaient arrivés jusqu’à Rumilly. On avait entendu à la radio de Londres l’Appel du 18 juin. Dans cette ambiance de défaite, les jeunes du village étaient complètement désemparés.

Comment réagir, sinon renouer avec notre ancienne amitié !

L’idée vint aussitôt de construire une cabane au milieu des Îles (de l’Arve) pour s’y réunir et aussi, bien sûr, y organiser quelques bons repas.

Aussitôt dit, aussitôt fait.

Les vieux copains, Pierre Baudin, Roland et Roger Vallier, Félix Montréal, Robert Laloi et moi-même se mirent à l’œuvre.

Avec d’anciens poteaux de téléphone, des planches de la vieille maison du village, du « bois de lune » de la forêt, des « couanneaux » achetés à la scierie du Pont de Fillinges, une grande quantité de clous offerts par Henri Abbé, une couverture en tôles de zinc récupérées sur les panneaux publicitaires au bord des routes, la cabane fut vite construite.

Ce fut une réussite. Très spacieuse, confortable et bien aménagée, elle ressemblait à ces maisons de Russie en bois. Tout naturellement, on la baptisa l’Isba.

Son inauguration, en présence de nombreux invités fut un succès. Un menu exceptionnel les attendait avec escargots à volonté, truites de l’Arve, lapins, gâteaux, etc., le tout arrosé à profusion de cidre bouché, de vin et de gnôle de prune.

L’ambiance fut chaude et, progressivement très bruyante, ce qui nous valut, le mercredi suivant, la visite de gendarmes enquêtant pour tapage nocturne et aussi parce que nous avions crié « Vive de Gaulle ». Mon père présent à cette soirée leur répondit « mais non, ils ont crié : vive la Gaule et les Gaulois ». Ils en ont bien ri et nous ont autorisés à continuer.

D’autres jeunes gens sont venus nous rejoindre. Pendant tout l’été, chaque samedi soir, le fourneau marchait à fond. Voyant s’élever la fumée au-dessus des vernes, les gens du village s’écriaient « ça y est, ça recommence ce soir avec l’isba ». Il est vrai que le bruit monte.

A la fin de l’été, nous nous sommes pour la plupart dispersés. Une crue de l’Arve a sérieusement endommagé l’intérieur. Vandalisée, l’isba s’est dégradée, puis fut finalement abandonnée. La nature reprit ses droits rapidement. Au bout de quelques années, elle disparut complètement, sauf bien sûr de notre mémoire et de notre cœur.

En souvenir de nos anciens copains disparus.

PS : Félix a baptisé son chalet « l’Isba ».

Donc l’Isba existe toujours !.

Echanges :

Le 25 septembre 1998, la société d’histoire locale de Saint Pierre en Faucigny organisait une réunion fort intéressante. Elle conviait les associations pour un échange de vues sur les moyens d’aborder l’histoire locale.

L’envoi de ce bulletin aux présidents est un premier petit pas en direction des dites associations.

Cette démarche sera, nous l’espérons, suivie de beaucoup d’autres et pourrait débuter un cycle d’échange fructueux.

Nouvelles du Pays de Galles :

Il y a 7 siècles, dans le sillage de Pierre II de Savoie, des savoyards exportaient leur savoir-faire Outre Manche. Ces maçons, architectes, charpentiers construisirent de merveilleux châteaux en Pays de Galles, ainsi que l’église de Contamine-sur-Arve.

Des filles à marier de la noblesse savoyarde participèrent au peuplement de l’Angleterre.

En 1995 et 1996, cette histoire extraordinaire réunissait à nouveau gens de Contamine et de Beaumaris. Faisant fi de nos différences linguistiques, culturelles, nous avons noué des liens d’amitié. Des correspondances s’échangent régulièrement.

John est maire pour la deuxième fois consécutive, ce qui ne nous étonne guère, car il est très compétent, droit, affable, humain.

Des couples nous rendent quelquefois visite.

Neil prépare une licence de français à Lyon 3. Il réside donc dans cette ville avec son épouse Catherine, toujours aussi souriante et humoriste. Leur petite fille de huit mois est adorable.

La famille de Richard - notre cousin et maire de Beaumaris lors de notre exposition en 1995 – s’agrandit également.

Lecture :

Michel a souhaité des réunions au cours desquelles, nous pourrions à tour de rôle, parler des livres d’histoire que nous venons de lire, exposer des idées, développer des réflexions sur ces lectures.

Quant à moi, je vous soumet le courrier suivant qui m’a été remis par Jean Christophe, responsable de l’Antenne Faucigny du CGS. (Sénat Familles – Archives Départementales de Savoie).

Transcription :

Monsieur, mon tres amis,

  • Vous ne scauriez croire le regret que Jay heu lors que Jay resus la vostre derniere, laquelle je nay peu vous en faire plustost la responce, mais il faut louer Dieu à cause qu’il vaut mieux tard que jamais, vous pouvant assurer que Je ne crois pas de vous plus pouvoir escrire Veu que jay este malade lespace de trois mois sans sortir de mon lict dou Je vous pourray dire le subjet de ma maladie aquelle vous fera estonner comment c’est que j’en suis peut eschapper.
  • En premier lieu Jay  heu pendant trois sepmaines ou un mois des fielures lesquelles me doubloit trois ou quatre fois… En second lieu, vous pouvez croire que je me… un voyage lequel je fut fort malheureux pour moy vu que marchant de nuit et mon cheval se  venant à Abattre me cassa les testicules et mesme me rompit le Canal de la verge au dict les bources ou Cela estant ouvert l’eau de mon hurine sans alloit dans les Bources l’autre moitié sortoit dehors par la verge. Ce qui occasionna que les Bources me devinrent grosse comme une fois et demy la teste. La Cangraine s’y estant mis Interne l’on m’y donna deux coups de lancette, l’un soubz la verge, l’autre soubz les testicules d’où C’est que il en sortit l’urine qui croupissait il y avait huict jours laquelle estoit sy puante que ceux là qui estoit au tour de moy ne pouvoit souffrir d’une sy horrible puanteur. Deux jours apprès que l’on croyoit que j’estois guéri, la Cangraine parut par-dessus laquelle l’on me couppa, et par conséquent toutte les bources, les génitoires s’estant retiré dans le vantre pour cause de la Cangraine. Et à présent je commance à parler l’aultre sorte que ne faisois pas veu que l’on ne me parloit que de boire de l’eau battue et de la tisane, et à présent, l’on me donne moitié eau et moitié vin, ce qui me Resjouy.
  • Je vouldrois pouvoir trouver en ceste ville un lieu sy favorable que l’estape ou bien Le bry, mais par conséquent une seconde personne de vostre qualité et condition pour pouvoir quelque fois me resjouyr ayant tant demeuré dans la misère de maladie, néanmoins J’oseray vous prier de boire à ma sancté par cela comme moy j’espère aydant dieu Le faire par dessa vostre ce faysant vous obligerez luy qui ne désire que d’avoir l’honneur de vous obéir
  • Cependant faictes moy la grâce de saluer madame de vos biens, de nos humbles Recommandation Comme aussy Monsieur  (une ligne illisible) qu’à vous.
  • Vostre très humble et très obéissant amis et serviteur Ledran.
  • Lion, le dernier jour de l’année mil six centz cinquante.

Nous sommes tous gardiens de notre Patrimoine :

Malheureusement, de ce chapiteau de "style archaïque", il ne reste que ces reproductions. Au début du vingtième siècle, la colonne se trouvait derrière le presbytère et le chapiteau dans le bassin du potager des Pères Rédemptoristes. Monsieur Max Bruchet, directeur des services d'Archives de la Haute-Savoie se rendit à Contamine le 16 novembre 1905, prit une série de photos diverses, dont notamment, une très belle vierge en bois peint datant du XVI° siècle, et ce fameux chapiteau. Il note que le Père Carrier, seul gardien du couvent à cette époque - les Rédemptoristes ayant été chassés par la séparation de l'Eglise et de l'Etat - consentirait à le faire encastrer dans le mur de l'église paroissiale.

Dans la Revue Savoisienne de 1896, nous pouvons lire au sujet de ce joyau : " Ce chapiteau est d'un type extrêmement rare ; il présente sur chacun des quatre côtés une tête, grandeur nature, en relief, logée dans un ovale, orné d'une décoration fruste de feuilles d'eau très peu développées. La grossièreté de la sculpture, l'emploi de la feuille d'eau comme motif de décoration et sa forme peu épanouie sont autant de caractères qui permettent d'assigner à ce curieux morceau de sculpture, la date de la fin du XI° ou du commencement du XII° siècle.

Ce chapiteau provient-il de l'église qui aurait pu être construite par les Bénédictins après 1083 au moment de la donation de Contamine à Cluny ? Émane-t-il de la primitive église existant au moment de cette donation ? Faisait-il partie d'une transformation de la vieille église qui eut de puissants protecteurs puisqu'elle fut le siège des sépultures de la Maison de Faucigny ?

Qu'elle qu'en soit l'origine, il est certain que ce chapiteau est d'un type très rare, non seulement en Savoie, mais même en France. Nous n'avons guère vu de chapiteau présentant ces têtes si caractéristiques qu'à Nevers (débris de l'église Saint Sauveur, aujourd'hui au Musée de la Porte de Croult, XI° siècle) et à Cluny (débris de l'ancienne abbaye, au Musée de la ville). A-t-il été fait sous l'inspiration de ces derniers par quelque moine envoyé de la maison mère au nouveau prieuré ? ".

Signé : Max Bruchet – Revue Savoisienne 1896 – Archives Départementales de Haute Savoie

Archiviste de la Haute Savoie depuis sa nomination en 1892, Monsieur Max Bruchet, parcourant le département à bicyclette, était chargé de répertorier les monuments, objets, mobiliers... Au cours de la séance de la Commission pour le classement des objets mobiliers du 15 septembre 1906, il propose la Vierge qui, heureusement se trouve toujours à Contamine. A la réunion du 23 novembre 1905, il annonce qu'il a adressé au Ministère concerné, des propositions de classement, notamment pour Contamine-sur-Arve : la chaire, le retable, les stalles et le fameux chapiteau.

Monsieur Bruchet a quitté le département en 1908. Ce chapiteau n'a pas été classé, s'est volatilisé ensuite. Que s'est-il passé ?

Ce joyau a traversé plus de huit siècles à Contamine, malgré la Révolution, la fabrique de cotonnades, les luttes anticléricales, les départs des moines, et toutes sortes d'aléas. Nous ne pouvons que regretter de n'avoir pas su conserver ce chapiteau, disparu peut-être hier, assurément dans un passé relativement récent

Andrée Blanc


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