Une journée en parler savoyard


Le récit suivant pourrait décrire des épisodes se passant à Contamine-sur-Arve et aux environs. En fait, cet exposé n'est pas tout à fait réel, mais rédigé uniquement pour employer exagérément des mots de "par chez nous".

J'ai dormi comme un plot, mais ne suis pourtant pas bien vigousse. Mon genou est empaté, car j'ai borté contre un trô et suis arrivée toute émaloguée, et puis, il fait si bon fègnanter et ringaler au lit.
Nos parents se sont abadés tôt pour soigner les bêtes. J'ai entendu qu'ils décottaient la porte d'entrée.
Ils bérottent et se comparent. Papa va au soli, monte par les passons de l'échelle pour atteindre le sommet de la matte de foin. Il enfate les fourchées dans le dènieu. Ensuite, il pale et sort le fumier avec sa bérote, dont la roue piûle, puis il éterd.
Après avoir coupé le prin bois pris dans les fassines auxquelles elle a cisaillé les rioutes sur le plot, pour éclairer le feu, maman s'asseye sur le botacu, amouille les vaches, trait la Coquette et la Cendrée, mais la Lison est agoutte. Ensuite, elle porte le pitin dans la poulaillère et le distribue aux polailles (y en a même une qu'il faut découvasser) et aux poussines, donne le manger au pouet (p'tioutes tartifles pitées et mécliées aux relaviures) qui rulait à se faire péter la corniule.
Le botiou et le chèvre motte se bouriôdent.
Les vaches reçoivent la lèche et l'eau transportée du puits dans un bidollion.
L'Emma et moi n'avons plus le temps de sniuler, de barjaker, de refaire un clopet, il faut s'abader ! Justement, maman nous crie. Nous l'entendons chokater en boitant, son agassin la faisant souffrir. Elle porte un d'vanti usé sur le neuf.
Malgré un lancinant tour de rein, papa prend la boille de lait. Il est à la presse, car c'est l'heure de la coulée et le fruitier n'attend pas. Ça y est, il s'en mode à grandes écambées à travers les vion-nets.
Je piurne sans arrêt me plaignant d'une côque, suite à une cupesse qui m'a ensaignolée de la faute de l'Emma qui voulait me porter à cacaballe. J'ai la r'nieflée, suis en train de ramasser la corséle et j'ai une chique à cause d'un marteau gâté. Maman étant gringe, ma sœur se tient coite, et pourtant elle souffre d'un cassin au petit glinglin. Elle a avalé la queue du chat et elle a une bouchère. Elle est blanche comme une pate.
Maman doit penser que nous faisons des gôgnes et qu'il n'est nul besoin de nous potringuer. Toujours malengroin, notre mère pousse une bouerlée. Comme je tioule encore, je manque de recevoir un éveillon. Je r'bêque, alors papa me menace avec une ouiste en jurant : nom de bleu, nom de zou…
L'Emma se gangale sur sa chaise en me niargant, me traitant de nioke, tièvre motte, potue, matole, toupine… J'ai envie de la grafigner, mais comme maman revient je m'encoin-ne et ne dis mot ni miette.
Notre mère puise une pochée de lait dans le seillon et le verse dans le pochon qu'elle pose dans le trou du potager, nous donne un crochon de pain et un bout de beurre pris dans la matole.
Sur le trablard au-dessus du lévier, je saisis les bols qui sont d'abochon. Les cuillers sont dans le tiroir de la clédence. Je m'encoubles et r'bate une tasse qui se démanoille. Tout s'écliaffe par terre. Je dois passer la r'masse et la panosse, le bol plein, déguillé par ma faute a cofféyé le plancher du poile. Comme je suis malotrue, ma mère m'engorzelle un lait de poule qui me donne envie de dégobiller.
Puis, je défais les cattes dans mes cheveux qui sont tout r'biclés. J'aboutonne ma pélerine et nettoie nos sabots avec de la crache et une pate.
Assez limacé, il faut prendre du souci, dire adieu à nos parents et retrouver les camarades pour l'école où nous attend la régente. D'avot, il y a tellement de pacot, que nous sommes tous empacotés. Il faudra dépacoter nos chokes et enfatter nos bamboches, qu'on avante de dessous les escaliers.
Ça margagne, ça pleuviote, il fait cru, ça sent la neige, la bise noire souffle, un bisolet bien froid qui ne chasse pas les gnioles au-dessus de l'Arve. L'eau de la coulose se mélange avec la diure dans la rigole. Bah ! si ça roille, nous nous mettrons à la chûte. La carre arrive et nous serons cahouèes comme des rats
La dame est malcommode, raide comme la justice de Berne et fout souvent des torniôlées aux élèves babans et déplaisants. Dian, un petit rabotion potu du cours préparatoire a perdu une rate et comme il niule ni peu, ni trop, il a la reniflette. Le Toine, le garçon au sagati est bigleux et bougillon, n'ayant pas une minute d'arrêt : un vrai mal de ventre ! Cette vargogneuse de Fifine est coffe, brossue, braque et elle emboucane. Ses cheveus sont encattés. C'est vrai qu'elle est bêtiasse, gnagniûle. Mile est crouille, mangourd, un peu cacagnolê et cacaparmi. Il barbotte comme une agasse et s'en croit : après lui, on tire la ficelle ! Ce malotru de Fanfoué est dur à la comprenaille, têtu comme un âne rouge, s'entourèle facilement et n'arrive pas à dire septante, nonante… On fait bisquer les bessons, déjà grandets pourtant, qui ciclent, sont époulaillés dès qu'ils aperçoivent un lan-oui, une ouépe, une aragne ou un tavan. Je fais la pote, car ma marquette est mâchurée, nézée.
Voilà la récréation ! Nous retrouvons de l'accouet pour déguiller les quilles, lancer et racôquer la paume, s'aguiller à chat perché…
A midi, pour le dîner, Maman aura préparé une platolée de tartifles, peut-être des six semaines avec la pluchure, au barbot, en fricot dans lequel elle aura mit des haut-goûts, ou des patenailles et du ventre de veau. Les rampons auront été débarrassés des coîtrons.
C'est déjà l'heure de retourner à l'école ! Nous sniulons dans les ra-ouis de la vy de Trolaz, ramassant des anailles, des grattacus, grimpant dans les fayards, les planes, les vernes, les crézonniers…
A cinq heures, papa fend du fayard, mais il ron-ne, sa hache étant bottée et la rasse ne coupe même pas l'arole, ni la pesse.
Maman éclaire le feu. Elle n'a qu'à briquer l'allumette, car j'avais préparé la fouéyée avec de la paille, du prin bois, du moyen et un peu de rassin.
Ce soir, la Mayon à Tanclou tambourne, locate à notre porte d'entrée en bouerlant "y a nion ?", et rentre quand la Marthe. Elles se sont rabobinées et viennent se faire payer le café Tout en posant la chafetale sur le potager, Maman leur dit "assoi-yez vous seulement".
C'est pas pour dire, mais la tata est une mauvaise langue, une brafa-goille, elle a de l'avance pour rubriquer après tout le monde. Elle a pas d'os à la langue.
Notre mère rapistole des golets dans un pantet, coud une rajouture et une pression sur un habit et raccommode la fatte d'un pantalon en fouitaine. Papa remplace les tâches sous nos sabots, puis lit l'armanach, tandis que l'Emma et moi, nous nous couchons.
On entend un chavan, les bêtes qui ra-ouatent, la viourne chez les Bégui, Raymond qui écoute Radio Londres à la T.S.F., le mogeon brâme…
Assez languatter ! C'est bientôt la minuit. La Mayon et la Marthe se rentrent chez elles, après avoir crié "grand merci ! à la r'voyure ! "

Andrée Blanc

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